[fr] De nombreux travaux (Baron 1993 ; Garel 2003 ; Picq 2005) suggèrent que la performance d’un individu dans un projet dépend davantage de son engagement effectif que de ses compétences intrinsèques et de leur adéquation aux fonctions réclamées par ce projet. C’est la manière dont le projet est en cohérence avec le projet de vie personnelle et professionnelle de l’individu qui conditionne la capacité de ce dernier à faire face en situation, c’est-à-dire son pouvoir de mobilisation de ses ressources. Ces résultats ne sont pas si étonnants si on comprend le développement d’un projet comme un processus d’apprentissage organisationnel au sens de Midler (1996). De fait on vient à s’interroger sur la nature de cet engagement et sur cette notion même d’engagement. L’analyse du champ de la psychologie de la motivation nous conduit à souligner trois paradoxes méthodologique, empirique, et conceptuel. Les travaux des théoriciens de l’appraisal (Scherer, Lazarus, 2001), des normes vitales (Canguilhem, 2003) et de la phénoménologie de la vie (Barbaras, 2008) peuvent dissiper ces paradoxes et constituer un apport décisif sur cette question de l’engagement notamment à travers les notions de mobilisation, de normes et de sensibilité. Après avoir défini et situé ces dernières, nous montrerons comment elles permettent d’éclairer les conduites d’expéditeurs polaires tout au long de l’expédition et du déroulement du projet. Nous utiliserons une étude de cas auprès de deux membres d’une même expédition n’ayant pas la même sensibilité pour rendre compte d’une manière empirique de ce résultat. Nos conclusions conduisent à ré-envisager les questions de recrutement au sein même des équipes projet en pointant d’une part, l’importance de l’engagement conçu non seulement en termes d’intensité, mais surtout de sens, à la fois une orientation vers et une signification, d’autre part la difficulté à recruter à partir de ce critère dans la mesure où il peut être à l’écart de la motivation exprimée.